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Publié le 21 février 2023

Partie 3: les 7 étapes d’une (auto)réflexion réussie

Spotlight autoréflexion

Philipp Schuetz, responsable du cursus d’entraîneur professionnel

Combien de fois t’arrive-t-il, en rentrant d’un entraînement ou d’une compétition, de te demander si ton comportement d’entraîneur a été le «bon»? Combien de fois t’est-il arrivé d’avoir une idée lumineuse mais, par habitude, de rester fidèle à tes vielles recettes? À quelle fréquence te demandes-tu si tu dois aborder un sujet difficile avec les athlètes que tu entraînes? Dans son ouvrage «Reflektierbar», Jörg Friebe décrit les sept étapes d’une (auto)réflexion réussie.

En sport, il arrive souvent que l’on tente vainement de donner de la profondeur à ses propos. De nombreux coachs souhaitent toutefois que la réflexion leur permettra d’aller au fond des choses, au cœur des problèmes ou de découvrir ce qui les anime vraiment, eux, leur encadrement et les athlètes. Pour Friede, trois aspects peuvent se révéler utiles à la réussite de cette démarche:

  • Activation: exploiter une base de réflexion à l’aide d’objets (p. ex. cartes illustrées) ou de mouvements (p. ex. un positionnement). Le dialogue tant avec soi-même qu’avec les autres personnes impliquées s’en trouve facilité.
  • Questions: pour mettre l’accent sur les sujets centraux, il est important de poser d’abord les bonnes questions. (cf. ouvrage «Fragen können wie Küsse schmecken»)
  • Approfondissement: le modèle en U (voir ci-dessous) propose une structure éprouvée permettant à la fois d’aller au fond des choses et de résoudre le problème de façon satisfaisante.

Le modèle en U

Le modèle du processus en U (tel que défini par Claus Otto Scharmer, Friedmann Schulz von Thun et Robert Dilts) comprend quatre niveaux, trois perspectives et sept étapes.

1er niveau: agir (comportement)

Pour aller au fond des choses, il est judicieux de s’appuyer sur les actions concrètes de tous les protagonistes. En effet, non seulement ces dernières sont conscientes, mais leur représentation est aussi relativement anodine, et elles se situent à un niveau faisant souvent l’objet de discussions. Savoir ce que l’équipe, mais aussi chacun de ses membres pris individuellement, a fait s’inscrit dans cette démarche.

2e niveau: penser (capacités)

Au niveau immédiatement inférieur, il convient de s’intéresser à la pensée: Quels sont les postulats dissimulés derrière les pensées? Qu’est-ce qui est considéré comme acquis et donc plus du tout remis en question? En ma qualité d’entraîneur, comment puis-je faire le tri entre mes actions? Et celles des athlètes? Quelles étaient les motivations de chacun? L’objectif visé est que chacun comprenne ses actes.

3e niveau: ressentir (valeurs)

En descendant encore d’un niveau, on s’intéresse à la réflexion consciente sur ses propres sentiments, une démarche assez inhabituelle pour beaucoup de gens. Comment les entraîneurs et les athlètes perçoivent-ils leurs actes et leurs postulats? Lesquels laisseraient-ils volontiers de côté? Qu’est-ce qui est perçu comme donnant des ailes?

4e niveau: être (identité)

Encore un niveau plus bas, la réflexion porte sur sa propre existence, son identité, le sens de la vie, voire sa vie spirituelle.

Les 7 étapes de la réflexion

1re étape: actions

Les entraîneurs et/ou les athlètes décrivent leurs actions et observent ce que se passe autour d’eux. Il importe que les actions soient décrites le plus précisément possible.

Exemple pratique:

Après la compétition d’aujourd’hui, je t’aborde pour t’interviewer comme le ferait un reporter (à activation). «Lorsque tu reviens sur les 120 minutes qu’a duré la compétition, qu’est-ce qui, à ton avis, a bien marché et que ferais-tu volontiers différemment?» (à Question)

2e étape: situation – ici et maintenant

Lors de la prochaine étape, entraîneurs et/ou athlètes se penchent sur leurs actions et essaient de comprendre la situation. Ils doivent comprendre leurs propres actions et les classer.

Exemple pratique:

Dans cet exemple pratique, on met en place un système de coordonnées à l’aide d’une corde à titre d’activation. L’axe des abscisses regroupe tout ce qui a été effectivement fait, et l’axe des ordonnées symbolise le degré de satisfaction. Questions possibles: «Quel était ton niveau de satisfaction à ce moment précis? Qu’est-ce qui, chez toi, motive fondamentalement un niveau de satisfaction si élevé? Qu’est-ce qui plaiderait au contraire globalement contre un degré de satisfaction élevé?

3e étape: arrière-plan – sentiments

La discussion va maintenant prendre un tour encore plus profond: Quels sont tes sentiments par rapport à une situation donnée ou un comportement concret en compétition? Quels sont les aspects à conserver et ceux à changer? «Quels sentiments t’agitent en arrière-plan? Que ressens-tu lorsque tu examines le tout ici?»

Exemple pratique:

L’activation prend ici la forme d’un positionnement particulier: après avoir appréhendé le système de coordonnées avec un peu de recul, les entraîneurs et/ou les athlètes se rendent à un endroit/poste concret, afin de s’imprégner pleinement de la situation symbolisée ici.

Questions possibles: «Qu’est-ce qui a boosté ta satisfaction? Par qui ou par quoi la situation a-t-elle été influencée de l’extérieur? Qu’est-ce que tu as pu influencer toi-même en compétition? Qu’est-ce qui a fait ton succès? Quels sont les problèmes que tu souhaiterais résoudre différemment lors de la prochaine compétition?»

4e étape: attitude – identité

Cette étape s’intéresse prioritairement à l’identité, donc à l’individu dans sa finalité élémentaire: être. Quels sont ses propres modèles d’action? Quel(le) est l’enjeu global, la finalité? Suivant la personne et les circonstances, on peut aussi atteindre ici une dimension spirituelle.

Exemple pratique:

Au cours de la phase d’activation, des cartes illustrées sont disposées devant les entraîneurs et/ou les athlètes, qui doivent ensuite les examiner. Les cartes qui doivent vous aider dans votre discussion montrent des situations surréalistes extraites du jeu de société «Dixit». Les entraîneurs et/ou les athlètes choisissent les cartes qui leur semblent s’appliquer à une question: «Que penses-tu de toi? Quel est ton avis sur ton estime de toi? Qu’est-ce qui te caractérise?»

5e étape: idées phares – espoirs

La présente discussion débouche sur de nouvelles idées créatives et esquisse des pistes possibles pour le développement des entraîneurs et des athlètes. Il s’agit donc de l’étape lors de laquelle on définit de nouveaux modèles, l’objectif étant de provoquer un changement.

Exemple pratique:

Les entraîneurs et/ou les athlètes choisissent symboliquement une image en rapport avec l’avenir (affiche de match, carnet de fête d’une compétition, etc.). La perspective passe du passé au présent (ici et maintenant), puis à l’avenir. Questions possibles: «Souhaiterais-tu avoir plus de certaines choses?» Quelles sont les nouveautés que tu essaierais volontiers? À quoi ressemblerait pour toi la compétition idéale? Que ressens-tu quand tu t’imagines cette compétition idéale?»

6e étape: conception

C’est à ce stade que de nouveaux concepts ainsi que des objectifs planifiés concrètement sont esquissés, et que les étapes stratégiques permettant d’atteindre ces buts sont définies.

Exemple pratique:

Des cartes stratégiques partant d’une image symbolique sont disposées (à activation). Les entraîneurs et/ou les athlètes choisissent une carte adaptée à leur situation, qu’ils vont essayer de faire évoluer et de mettre en œuvre. Les cartes stratégiques peuvent être classées selon la structure «CTME» (corps, technique/tactique, mental, environnement). Des affirmations telles que «fais-toi un plan mental du jeu», «fais attention à ton langage corporel» ou «implique ton entourage dans la situation de compétition» peuvent y figurer. À cette étape, toutes les questions concernant la stratégie voulue qui sont débattues par les entraîneurs et/ou les athlètes et ouvrant la porte à tous les fantasmes au niveau de la mise en œuvre sont pertinentes. «À quoi ressemble un projet-pilote concret? Que faut-il faire, étape par étape?»

7e étape: plan d’action

Voici enfin le moment de définir précisément à quoi ressemblera la mise en œuvre concrète. Pour ce faire, il faut donc établir un plan d’action concret.

Exemple pratique:

Le processus de réflexion s’achève avec la consignation des prochaines étapes concrètes sur des Post-it et leur représentation imagée sur une chronologie.

Conclusion

Il est possible d’échafauder librement son propre modèle en U en fonction de ses besoins actuels et d’en définir soi-même la profondeur. Le modèle reste très utile, même avec cinq ou trois étapes seulement. Au début, il peut suffire de décrire clairement les actions (1ère étape) et de laisser ensuite s’exprimer des idées (6e et 7e étapes) permettant d’améliorer la situation, en sachant pertinemment qu’on aurait pu aller plus au fond des choses.

Après avoir effectué d’autres exercices, les entraîneurs et/ou les athlètes seront peut-être en mesure de détecter sentiments, besoins et contexte et de leur donner un nom.

La réflexion active dans le cadre du processus en U permet aussi à des entraîneurs et/ou des athlètes qui ont tendance à se prendre la tête d’en venir à l’essentiel. La planification consciente des étapes de la réflexion (avec leurs questions et phases d’activation) leur procure davantage de sécurité.

La profondeur, le sérieux et l’amusement, de même que la définition d’étapes concrètes pour la mise en œuvre comptent parmi les avantages et les apports de l’(auto)réflexion active consciente.

Tu trouveras dans l’ouvrage de Jörg Friebe plus de 100 méthodes de réflexion pratiques (exercices pratiques).

Sources et bibliographie complémentaire:

  • Friebe, Jörg: Reflektierbar, Bonn, managerSeminare Verlags GmbH, 2016
  • Kindl-Beilfuss, Carmen: Fragen können wie Küsse schmecken, Carl Auer Verlang, 2019

Haute école fédérale de sport de Macolin HEFSM

Formation des entraîneurs Suisse
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