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Interviews, vidéos et articles invitésPublié le 22 décembre 2023

L’éthique dans le sport, «une plus-value»: qu’est-ce que cela veut dire concrètement?

Depuis le début de l'année 2023, les principes éthiques sont mieux ancrés dans le cadre légal et ce cadre est plus contraignant qu’auparavant. Pour mettre en œuvre cette réforme, l’OFSPO conduit actuellement un projet intitulé «Éthique dans le sport suisse». Pierina Schreyer, la responsable du service Intégration et prévention de la Haute école fédérale de sport de Macolin, est membre de l’équipe de base du projet. Elle nous présente son volet Formation, avec ses enjeux.

Pierina, imaginons que j’entraîne les juniors du club de volleyball de mon village. J’entends sans cesse parler d’éthique dans le sport. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour mon travail au sein du club?

C’est très simple: cela veut dire que tu accordes une place centrale à l’humain – en l’occurrence à tes juniors; que tu protèges leur santé et leur bien-être, que tu acceptes leurs limites et que par ton action, tu contribues positivement au développement de leur personnalité – par exemple en reconnaissant et en valorisant leurs progrès personnels et en leur donnant des feedback. Ou que tu veilles à la participation de chaque équipier, ainsi qu’au bon état d’esprit dans l’équipe. Tu fais d’ailleurs très certainement déjà beaucoup de choses dans ce sens. Ton souci de l’éthique se manifeste aussi quand tu thématises les situations problématiques ou les risques et quand tu signales les comportements répréhensibles. Enfin, il te faut connaître les valeurs du sport suisse et ajuster tes convictions personnelles à celles-ci. Il est important que tu réfléchisses à ton savoir-être et que tu sois au clair sur ce qui motive tes actions et tes décisions.

Le mot «éthique» suscite souvent des réticences…

L’éthique est effectivement souvent perçue comme quelque chose de négatif et de compliqué. On l’associe volontiers à des règles, des lois et des normes. Cela en fait partie, bien sûr, mais ce n’est qu’un tout petit aspect. L’éthique est beaucoup plus que cela et a de nombreux côtés positifs, en particulier lorsqu’il s’agit de favoriser un sport respectueux de l’être humain. Nous devons réussir à faire reconnaître l’éthique comme une plus-value, à faire en sorte qu’on en voie l’utilité. En tant qu’entraîneur d’une équipe junior, tu peux avoir une influence directe sur cela, motiver les gens et renforcer leurs capacités dans ce domaine.

Comment les valeurs éthiques fondamentales dont tu t’occupes en tant que membre de l’équipe de base du projet «Éthique dans le sport suisse» peuvent-elles faire leur chemin dans l’esprit des enfants et des jeunes?

Faire leur chemin, oui, mais pas seulement dans leur esprit! Il ne s’agit pas seulement de leur transmettre un savoir. Avoir des connaissances en matière d’éthique n’est qu’un aspect, la condition d’un apprentissage réussi. À côté de cela, il y a le savoir-être et le savoir-faire, qui sont nécessaires pour gérer au mieux les situations du quotidien. Transmettre des connaissances, c’est facile. La question est de savoir comment faire pour que les sportifs, notre public de base, adhèrent à leur tour aux valeurs éthiques fondamentales et les mettent en pratique. La réponse à cette question tient dans les exemples que l’on donne soi-même. Je dois être un modèle par mon propre comportement, et aussi exiger le respect des valeurs éthiques et les défendre. En outre, je dois régulièrement inciter à la réflexion à ce sujet et continuellement remettre en question mes propres convictions, y réfléchir, les réajuster. Cela demande de la disponibilité et de la motivation. Voilà ce qui est décisif pour que l’éthique n’en reste pas au stade de théorie.

Comment fait-on tout ça?

Nous amorçons le dialogue avec nos différents groupes cibles (moniteurs et monitrices, entraîneurs, etc. ) en partant d’exemples qui les touchent, le but étant de leur montrer en quoi consiste un sport respectueux des valeurs éthiques et quels comportements sont déplacés, voire considérés comme des infractions ou des manquements à l’éthique. Les discussions autour de ces exemples peuvent donner lieu à des échanges très stimulants car mes interlocuteurs ne sont pas forcément du même avis que moi. Je dois à la fois appliquer mes connaissances, réfléchir et ajuster ma propre attitude. Bien entendu, la transmission en cascade des valeurs éthiques, de l’OFSPO jusqu’à son public le plus jeune, les enfants, comporte forcément beaucoup d’étapes. Personnellement, c’est plutôt en tant que monitrice ou maman que je peux avoir une influence directe sur des enfants ou des jeunes – davantage que comme responsable de service.

Comment t’y prends-tu pour planter de bonnes graines et faire prospérer ces valeurs dans la formation et la formation continue à l’OFSPO – p. ex. au sein de J+S ou auprès de collègues?

Seule, je n’ai que peu d’influence. L’éthique ne s’enracinera solidement dans le sport qu’avec le renfort d’autres «jardiniers». Ce que je peux faire, moi, c’est souligner, encore et toujours, l’utilité de l’éthique dans le sport; c’est persévérer et, bien sûr, montrer concrètement comment on peut faire bouger les choses. Cela dit, l’éthique ne deviendra progressivement une évidence dans le sport que si tous ceux et celles qui enseignent à l’OFSPO y contribuent. Le modèle de formation de Macolin, qui décrit l’orientation commune de toutes les filières de formation de l’OFSPO, constitue une excellente base car il accorde une importance centrale aux interactions.

À vrai dire, les thèmes de l’éthique et des valeurs ont leur place dans la formation et la formation continue sportives depuis des années déjà. Le seul hic, c’est que jusqu’ici, les contenus des différentes filières n’étaient pas harmonisés. Et qu’ils n’étaient pas, ou presque pas, obligatoires. Alors que nous avons besoin de cohérence, autrement dit de liens et de coordination entre tous les systèmes de formation! C’est cette lacune que s’efforce de combler le volet Formation du projet «Éthique dans le sport suisse», qui est un projet interne de l’OFSPO. À la HEFSM, nous sommes quatre à participer à ce volet: Heinz Müller (Formation des entraîneurs), Andreas Steinegger (Sport des jeunes et des adultes), Thomas Wyss et moi. Ainsi, plusieurs secteurs sont représentés. Swiss Olympic prend part activement à ce groupe de travail elle aussi à travers ses deux représentants, Natalie Barker-Ruchti et Rafael Meier.

En quoi consiste votre tâche?

Nous sommes en train de formuler des compétences en matière d’éthique. Nous entendons par cela des compétences générales associant savoir, savoir-être et savoir-faire, pour favoriser un sport respectueux des valeurs éthiques et de la dignité humaine. Ces compétences devront à l’avenir être encouragées dans toutes les filières de formation sportive – mais d’une manière adaptée à chaque groupe cible et à des degrés d’approfondissement divers, car il est évident qu’une entraîneure ne fait pas face aux mêmes situations qu’un moniteur J+S ou qu’une représentante de fédération. Nous sommes en train de mettre la dernière main à ce travail. Ces compétences seront des repères, elles serviront à développer des objectifs d’apprentissage et des plans d’apprentissage concrets pour les différents groupes cibles. L’essentiel est que l’encouragement de ces compétences permette aux groupes cibles d’agir de façon plus éthique. À travers le mandat de formation de l’OFSPO, nous pouvons faire beaucoup en faveur d’un sport respectueux des valeurs éthiques et de la dignité humaine.

Swiss Olympic est en train de développer un instrument très concret, la boussole éthique. L’équipe de base du projet interne de l’OFSPO a pu contribuer à sa conception. Comment cet outil a-t-il vu le jour et comment fonctionne-t-il?

La boussole éthique de Swiss Olympic a surtout pour but de faire réfléchir et de favoriser les échanges sur les thèmes centraux et les attitudes en matière d’éthique. Elle offre des repères et aide à trouver des solutions, mais elle ne fournit pas de solutions toutes faites. Trouver des solutions concrètes reste du ressort des entraîneurs, des moniteurs J+S et des responsables des organisations sportives. Swiss Olympic est en train de finaliser cette boussole et devrait la présenter sur son site Internet le 1er février 2024.

Haute école fédérale de sport de Macolin HEFSM

Service spécialisé Intégration et prévention
Pierina Schreyer
Hauptstrasse 247
2532 Macolin